Sur scène, devant des dizaines d'entrepreneurs, le CEO d’une startup en plein boom raconte toutes les phases par lesquelles il est passé pour être aujourd’hui aux manettes d’une entreprise de plus de 100 personnes, avec une croissance à 2 chiffres chaque année.  

En comité restreint, notre CEO raconte que plus la startup grossit, plus il est difficile de tout contrôler. Malgré l’empilement des outils de suivi et le renforcement du management intermédiaire, il passe son temps en réunion pour s’assurer que tout le monde va dans le bon sens. Globalement, il constate que la motivation et l’initiative se délitent. Il aimerait pouvoir s’appuyer davantage sur ses managers, eux aussi dépassés.

Mais où sont passées l'énergie et l’initiative des premiers jours, avec des artisans amoureux du produit et des clients ?

Il ne faut pas aller chercher beaucoup plus loin que la prolifération des outils de contrôle, des procédures et des divers reportings :

  • Ils éloignent les personnes des problématiques des clients au profit de la conformité aux processus.
  • Ils privent les personnes de leur initiative et leur intelligence.

Ces approches sont conçues selon l’idée que les gens doivent être contrôlés pour ne pas faire de bêtises, et qu’il est nécessaire d’user de la carotte et du bâton pour les motiver à suivre les règles.

La pensée lean part d’un présupposé complètement différent : les gens viennent au travail pour bien faire. Le problème vient plutôt du fait que :

  • Les objectifs ne sont pas clairs ;
  • Elles rencontrent des difficultés qui les empêchent de les atteindre.

Mais alors comment faire en sorte que les collaborateurs soient sur les bons sujets, sans avoir chaque jour à leur dire ce qu’ils doivent faire ? L'astuce du lean repose sur le management visuel.

Un bon management visuel d’équipe reprend 4 éléments :

  • Le succès : Comment l’équipe sait-elle qu’elle a réussi sa journée ? La semaine  ? Le mois ?
  • La prochaine chose à faire : Chacun voit de manière instinctive ce qu’il peut faire pour contribuer au succès commun.
  • Les problèmes : Comment détecte-t-on une situation anormale pour réagir rapidement ?
  • Le progrès : Sommes-nous meilleurs qu’hier ? Que la semaine dernière ? Le mois dernier ? Qu’avons-nous appris ? C’est le progrès qui entretient la motivation.

Prenons un exemple qui parle à tout le monde : le restaurant. L’un des défis du restaurateur est d’atteindre un remplissage maximal tout en maintenant une qualité de service irréprochable. Le minimum pour satisfaire les clients est de leur permettre de manger ce qui leur a mis l’eau à la bouche à la lecture de la carte. Quand un plat est en rupture, c’est mal parti ! C’est aussi une source de stress pour les serveurs.

Il faut dire qu’en cuisine, c’est la cacophonie. Pendant la mise en place (temps de préparation avant le service), chacun fait ce qu’il sait faire, quand il le peut, avec ce qu’il a. En passant la tête en cuisine le patron constate que ça s’agite, pourtant il sait déjà qu’il va avoir des ruptures et leur pendant : des pertes ou des plats à réchauffer le lendemain. Il sait aussi que la gueulante, classique en cuisine, réduit la productivité et risque d’entraîner des accidents et des démissions.

Pour y voir plus clair, le restaurateur et sa cheffe de cuisine commencent par construire le tableau de marche suivant, partagé avec toute l'équipe :

En complément, ils mettent en place un second tableau pour suivre l’évolution des résultats jour après jour :

Ces deux tableaux permettent de rendre visibles :

  • Le succès : un nombre précis de portions de chaque plat. Ce chiffre est défini toutes les semaines entre la cheffe de cuisine et le manager du restaurant. Il est ajusté chaque jour en fonction des difficultés de la carte, des stock, de la météo, des prévisions de fréquentation et des problèmes des jours précédents.
  • La prochaine chose à faire : x portions de tel plat, puis l’autre et ainsi de suite.
  • Les problèmes : La livraison de plats à intervalle régulier permet de rendre visibles les retard de production sans attendre les premiers clients et ainsi les protéger. Le visuel indique également les écarts de portions effectivement préparées par rapport au prévisionnel (trop de terrine et pas assez du quatrième plat par exemple). Ce dernier est également remis en cause par les écarts avec les ventes effectives. Les commentaires sont clef, puisqu'ils permettent d'engager un dialogue avec les cuisiniers.
  • Les progrès : Par exemple, les livraisons pour le jour même ont été remplacés par des livraisons un ou deux jour en amont. Au lieu de faire d’une énorme citrouille un velouté avec de la crème qui dégrade la capacité de conservation, la cheffe ajoute la crème à l’envoi, pour chaque portion. Bénéfice insoupçonné initialement : le plus grand bonheur des intolérants au lactose. Les exemples s'accumulent semaine après semaine.

Au quotidien la cheffe de cuisine s'attelle à aider tout le monde à atteindre l’objectif de la journée. Les cuisiniers en difficulté n’hésitent pas à solliciter son aide. Quand ce n’est pas de son ressort, à son tour la cheffe n’hésite pas à solliciter le restaurateur pour trouver une solution. C'est la chaîne de andon, la chaîne d'aide, qui tire le progrès et rapproche les collaborateurs de leur management.

Après le service la cheffe de cuisine se penche sur le visuel avec son équipe pour identifier les axes d’apprentissage. Par exemple, il faut entraîner les cuisiniers à se servir rapidement de la mandoline sans risquer de se couper. Elle planifie alors de courtes formations pratiques pour les cuisiniers qui en ont besoin.

Après quelques jours, il devient évident pour tous que l’un des problèmes de fond est la disponibilité du four, qui entraîne des retards en cascade. Le premier réflexe de la cheffe est de faire un planning prévisionnel dans son coin, mais celui-ci montre rapidement ses limites : par définition, il ne traite pas l’imprévu.

La cheffe et son équipe ont une idée : ils décident d’étendre le management visuel en rassemblant les plats qui doivent être cuits au four sur une même étagère, afin de matérialiser la file d’attente. L’équipe de cuisine n’a alors besoin ni de cheffe, ni de planning, pour se rendre compte qu’il y a un problème. Quand ça ne rentre plus, ça tombe ! Spontanément, toute l’équipe se réunit pour trouver une solution. Grande première pour une cuisine qui a l’habitude de travailler en brigades silotées.

Après quelques semaines, les cuisiniers ont gagné en compétence et en autonomie. Ils ont une bien meilleure vision d’ensemble de ce qui se passe en cuisine, et ils ont commencé à travailler sur des sujets de fond du restaurant.

Par exemple, pour absorber toutes les cuissons ils font tourner le four sur une période plus longue : à partir de 8h contre 10h auparavant. Pour limiter les temps de refroidissement, ils le font chauffer moins fort (dans un restaurant, on ne peut pas laisser la porte ouverte comme à la maison). Moins poussé, le four ne se met plus en défaut et les cuissons sont moins risquées.

Les cuisiniers sont de mieux en mieux synchronisés, ce qui a pour effet de libérer l’étagère qui servait de file d’attente pour le four. Celle-ci peut alors être utilisée pour faire refroidir les plats, qui auparavant refroidissaient à la hâte au frigo. En plus de risquer des ruptures de chaîne du froid à réchauffer l’ensemble du frigo, le moteur sur-sollicité cassait une fois par an. Au delà des économies de maintenance, le restaurant fait des économies d'électricité de l’ordre de 10%.

Deux ans plus tard, le restaurant est transformé. Les cuisiniers arrivent à ajuster la production pendant le coup de feu, ce qui leur permet de finir régulièrement avec 0 manque et 0 reste, un fait totalement impensable initialement. La mise en place du matin se fait dans le calme, et les relations entre les cuisiniers et le restaurateur se sont nettement améliorées. Pourtant avec moins de personnes et dans la même petite cuisine le nombre de couverts a été multiplié par 5.

Le management visuel n’est pas simplement un artifice d’organisation. C’est une façon totalement différente de gérer l’entreprise, qui transforme les rapports hiérarchiques. Les managers sont moins obnubilés par le contrôle, ils peuvent mettre l'énergie au bon endroit : la progression de chacun.  

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