La compétition entre les entreprises se joue sur le front des clients, mais aussi celui des talents. Or au fur et à mesure que l’entreprise croît, les inefficacités se multiplient et les collaborateurs se heurtent à des obstacles de plus en plus nombreux qui sapent leur motivation et finissent par les faire partir.

Certes, les collaborateurs ne manquent pas de proposer de nouvelles façons de faire. Mais soit celles-ci sont directement rejetées par leurs managers, soit elles conduisent à des effets inattendus  :

  • Une fraction de l’équipe seulement adopte la nouvelle approche ;
  • La nouvelle approche est adoptée mais elle crée de nouvelles difficultés pour certaines opérations ou dans certains cas de figure ;
  • La mise en oeuvre se révèle bien plus coûteuse que prévu, pour des bénéfices difficiles à évaluer, et la proposition finit par être abandonnée.

Au final, les personnes qui font preuve d’initiative constatent que leurs efforts restent sans suite et finissent par baisser les bras : “Cette entreprise est résistante au changement !” Le syndrome de la grosse boîte s’installe peu à peu.

Le modèle d’implication du lean repose sur trois idées clés :

  • Les collaborateurs s’engagent dans l’entreprise lorsque leurs suggestions d'amélioration sont prises en compte.
  • L’amélioration est une pratique qui s’apprend, à l’image du kitesurf, du piano ou des mathématiques.
  • L’amélioration n’est pas réservée à quelques érudits. Lorsqu’elle est pratiquée par l’ensemble des collaborateurs, cela conduit à un modèle d’entreprise radicalement différent dans lequel chacun développe en permanence son initiative personnelle et sa capacité à travailler avec ses collègues, à travers les départements.

Au fil des décennies, la pratique de l’amélioration s’est affinée et enrichie. Il existe aujourd’hui un standard largement éprouvé : le kaizen 6 points. Ces 6 points forment un cycle d’apprentissage, un cadre de réflexion pour nous assurer que nous dépensons de l'énergie sur les bons sujets et que nous embarquons correctement les personnes concernées.

Chaque cycle de kaizen est un voyage d’apprentissage qui se déroule comme suit :

  1. Définir le potentiel : se mettre d’accord sur les gains attendus (pour les clients, les collaborateurs, l’entreprise) puis évaluer le niveau que l’on vise.
  2. Analyser les méthodes actuelles : utiliser des outils simples de visualisation pour étudier les pratiques, identifier les problèmes, les comparer à l’état de l’art afin de trouver le principal point de blocage qui limite la performance.
  3. Générer des idées nouvelles : développer sa créativité pour trouver des façons vraiment différentes d’aborder le sujet.
  4. Préparer le plan d’implémentation pour tester les idées les plus prometteuses, c’est à dire celles qui auront le meilleur impact pour le moindre coût.  
  5. Implémenter le plan en informant toutes les personnes concernées et en leur donnant des instructions claires
  6. Evaluer la nouvelle méthode en suivant l’évolution de la performance, célébrer le succès puis mettre à jour les standards et les politiques de l’entreprise pour éviter le retour en arrière.

Prenons l’exemple d’une startup qui construit des campagnes de crowdfunding. Le CEO, comme tous les dirigeants de startups en plein boom, cherche une solution pour faire face au grand nombre de demandes qui s’accumulent. Il pourrait recruter davantage de monde, mais son expérience des campagnes ne laisse aucun doute : les inefficacités ne manquent pas, il est possible de faire bien mieux qu’aujourd’hui.

Il est tenté de proposer des actions d’amélioration, mais il s’avise et décide plutôt de parler du problème à sa directrice de projets. Après quelques échanges elle se dit emballée par le sujet et propose de s’attaquer à l’accélération de la mise en ligne des campagnes.

Définir le potentiel

La directrice de projets commence par évaluer le lead time de construction des campagnes, c’est à dire le temps entre le moment où le porteur de projet contacte l’entreprise et le moment où ce projet est en ligne. Le délai moyen est d’environ 90 jours. Quelle serait une bonne cible ?

Elle propose à l’une de ses collaboratrices d’estimer ensemble le temps réellement nécessaire lorsque tout se passe bien. Elles contactent des clients pour comprendre comment ils s’y prennent pour concevoir la campagne. Elles rédigent elles-mêmes une campagne de A à Z. Elles testent en parallèle les produits des meilleures plateformes de crowdfunding pour monter des campagnes.

Après quelques jours, elles estiment qu’elles pourraient construire sereinement une campagne en 15 jours. Elles se fixent une première cible intermédiaire à 30 jours.

Analyser les méthodes actuelles

Pour y voir plus clair, toute l’équipe se réunit pour modéliser le parcours complet de conception d’une campagne. Les actions du client (le porteur de projet) y sont intégrées, celui-ci étant considéré comme un acteur à part entière au sein de la chaîne de production. Premier constat : les méthodes actuelles n’étaient claires pour personne. En construisant ce visuel, tous les intervenants se mettent d’accord entre eux sur la nature de leurs tâches et les conditions, qualitatives, du passage de relais à l’étape suivante.

La directrice de projet et l’une de ses collaboratrices s'attellent ensuite à identifier les zones d’amélioration. Elles décortiquent 3 campagnes récemment terminées pour identifier les points de blocage.

Une cause majeure ne tarde pas à émerger : les clients sont bloqués au moment d’écrire certaines parties du descriptif de la campagne, malgré les trois appels d’une heure avec un conseiller pour chaque campagne et un documentation foisonnante.

D’autres blocages ressortent, comme par exemple le fait que les commerciaux et l’équipe de production de campagnes ne sont pas au clair sur les informations à se transmettre, ce qui provoque de nombreux allers-retours.

Générer des idées nouvelles

La directrice de projets sollicite les collaborateurs pour imaginer des façons différentes de s’y prendre. Les premières réponses sont des variantes des pratiques actuelles. Elle pousse la réflexion pour forcer à explorer des façons vraiment différentes d’aborder le sujet.

Au total, du CEO aux équipes de vente en passant par les porteurs de projet et l’équipe tech, des dizaines d’idées sont générées sans jugement, privilégiant la quantité plutôt que la qualité.

Parmi les idées proposées, l’une se dégage du lot comme vraiment nouvelle : co-écrire les campagnes avec les clients. C’est une révolution car le processus actuel a été conçu initialement sur la base d’une conviction forte : l’équipe doit s’investir au minimum dans la conception, d’une part pour que le porteur de projet s’implique le plus possible, et d’autre part pour réduire les coûts pour la startup.

Une seconde idée forte émerge : redécouper la documentation, aujourd’hui monolithique, en une suite d’instructions claires délivrées petit à petit.

Préparer le plan d’implémentation

C’est le moment pour la directrice de projets de définir la façon de tester ces idées et de s’assurer que l’implémentation pourra se dérouler sans accrocs. Elle s’assure que les actions demandent le moins d’investissement possible en commençant par les pratiques individuelles d’échange avec le client ou de passage d’information entre les équipes. Côté développement, elle s’assure que l’approche adoptée pour tester le découpage de la documentation est aussi simple que possible et rapide à mettre en oeuvre.

Implémenter le plan

La directrice de projets va voir régulièrement les personnes impliquées par les différents changements pour s’assurer qu’elles sont bien prévenues et enthousiastes. Par exemple le CTO sait précisément ce qu’il doit faire : ajouter une checklist sur une page, ajouter des liens sur une autre page pour permettre aux clients de télécharger des petits tutoriels.

Évaluer la nouvelle méthode

Les porteurs de projet qui sont accompagnés de la nouvelle façon - co-écriture de la campagne au téléphone, tutoriel progressif - mettent en ligne leurs campagnes en trois ou quatre semaines seulement. La directrice de projets réalise aussi que son équipe gagne du temps en aidant les clients, puisqu’ils n’ont plus à les relancer ensuite pour faire avancer les choses.

Elle sait bien que malgré ces avancées le retour aux anciennes habitudes guette. Elle fait donc évoluer les pratiques de son équipe pour s’assurer de ne pas revenir en arrière :

  • Elle forme l’ensemble de ses collaborateurs aux nouvelles pratiques, notamment la co-écriture de campagnes.
  • Elle met en place un suivi du lead time des campagnes, avec des revues régulières pour discuter des campagnes en retard.
  • Elle développe un système de check-lists pour permettre à chacun de vérifier que les campagnes sont correctes à chaque étape.
  • Elle s’assure auprès du CTO que la nouvelle façon d’envoyer les tutoriels est généralisée dans le système.

Après trois mois, le lead time moyen de mise en ligne des campagnes est passé de 90 jours à 20 jours. Certaines sont mises en ligne dans la semaine. La directrice de projets se demande déjà comment réduire à nouveau ce délai.

Il serait tentant à ce stade d’évaluer le succès de cette initiative aux résultats obtenus. Ces gains sont certes importants pour la startup, mais le vrai avantage stratégique est ailleurs : à chaque nouveau cycle d’amélioration, l’équipe renforce son envie et sa volonté d’améliorer encore les choses dans le futur.

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